Posté le 05/09/2006 12:26:38
là cela concerne les excellents KLF.
La fortune en fumée de la K Foundation
Le bûcher a duré deux heures. Deux heures pour brûler 1 million de livres sterling, en coupure de 50, soit 20 000 billets de banque à l'effigie de la Reine. La somme correspond au solde des royalties du duo techno-pop britannique KLF (pour Kopyright Liberation Front). Il est 2 h 45, ce matin du 23 août 1994. Bill Drummond et Jimmy Cauty viennent de signer la dernière œuvre de la K Foundation, une fondation d'art créée en 1993 par les deux pop stars britanniques. La plus audacieuse, la plus fascinante et la plus controversée à ce jour. Les deux hommes se sont juré de ne pas en parler jusqu'en 2018. Depuis, la presse britannique a fait entrer Drummond et Cauty dans le panthéon des personnalités fantasques si chères au royaume de la pop. Et cherche toujours à comprendre.
En 1992, au faîte de leur gloire, les deux hommes ont mis fin à leur carrière musicale. Et l'ont annoncé avec fracas lors de la cérémonie des Brit Awards, alors qu'ils recevaient les prix de "meilleur groupe" et "meilleur album" de l'année. Accompagnés du groupe de hard rock norvégien Extreme Noise Terror, ils ont massacré leur tube du moment, 3 a.m. Eternal, avant de mitrailler à blanc le public, pris de panique, et de déposer la carcasse d'un mouton à l'entrée du cocktail d'après cérémonie. Aujourd'hui encore, l'événement figure parmi les dix moments les plus rock'n'roll de l'histoire, selon l'hebdomadaire britannique New Musical Express.
LA DESTRUCTION COMME THÈME RÉCURRENT
La destruction, le bûcher rédempteur sont des thèmes récurrents dans l'histoire de KLF. Une histoire fulgurante (1987-1992) au regard du nombre d'œuvres produites, faite d'outrages, de manipulations tout autant que de transparence absolue et de vérité crue. En 1987, leur premier album finit au bûcher, déjà, à cause d'un sample (un extrait) emprunté sans autorisation au groupe suédois Abba. A la suite de leur premier tube, Doctor'in the Tardis, en 1988, ils écrivent un livre, The Manual, ou comment obtenir facilement un n° 1. A leur retraite, en 1992, les deux hommes décident enfin d'effacer tout leur catalogue.
Le piratage était aussi et surtout l'occasion pour Drummond et Cauty d'exposer leur tableau Money: a Major Body of Cash. Soit 1 million de livres cloutées à l'intérieur d'un cadre. A ce moment-là, les artistes envisagent plusieurs expositions. Le tableau serait divisé en sept pièces, vendues à des prix différents, parfois à la moitié de leur valeur monétaire. Une amusante réflexion sur la valeur de l'art. Mais les galeries se désengagent et personne ne veut assurer une telle œuvre. Trop de risques. Ce million pèse alors comme un poids mort sur les deux hommes. Qui décident de le brûler. Et d'en parler.
Un an jour pour jour après leur acte, KLF diffuse le film sur l'île de Jura, puis dans plusieurs villes du Royaume-Uni. A chaque fois, un débat est organisé après la projection. Une seule question : pourquoi ont-ils fait ça? "
Lassés par la teneur des débats, Drummond et Cauty décident de détruire toutes les copies, et jurent de ne pas en parler pendant 23 ans. Malin, leur ami Gimpo en garde une et la diffuse à l'occasion de festivals, ou d'expositions. Le film, d'une durée de 63 mn, est devenu classique de la contre-culture en Angleterre. Le symbole du refus de ce duo d'entrer dans le système. Un bras d'honneur à la mesure de leur folie et de l'absurdité revendiquée de leur art.
Comment regarderiez-vous brûler un million de livres sterling ? Avec colère ? Horreur ? Je peux vous dire qu'on regarde cela avec un énorme sentiment de culpabilité, et puis, après 10 minutes environs, avec ennui. Et quand le feu s'éteint, vous avez froid."